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Qu’est-ce que la précarité ? Rencontre avec Hervé, locataire de SNL Paris

13/12/2016 | SNL Paris

Hervé, locataire de l’association depuis juin 2013, a récemment eu une proposition de logement durable à Paris par un bailleur social, il est en cours de relogement. Nous saisissons l’occasion pour prendre avec lui du recul sur son parcours et profiter de son expérience de vie.

Qu’est-ce que la précarité pour toi ?

Telle que je l’ai vécue, c’est au départ un évènement qui perturbe. Pour moi cela a été la santé, une faiblesse psychologique. Je me suis ensuite écarté de la société.

Avant, j’avais un emploi, un logement. Ensuite, tout s’est effondré comme un château de carte. J’avais moins confiance en moi et je n’avais plus confiance en l’autre. Je me sentais seul.

J’avais déjà eu des problèmes mais celui-ci, sur la sphère de la santé, m’a abattu. Tout de suite, je n’ai pas vu que j’étais en situation de précarité. Je l’ai ressenti quand on m’a dit : « maintenant, il faut parler de tes problèmes avec une assistante sociale ». J’ai d’ailleurs mis du temps pour me mettre en contact avec les services sociaux parce que je me disais : « si j’y vais, c’est que je suis en précarité », donc j’ai fait seul au maximum.

Ensuite, j’ai eu un problème de logement. Ensuite licenciement. Puis j’ai atteint la limite des indemnités chômage même si j’avais eu des CDD entre temps. J’ai quand même mis 3 ans à demander le RSA. J’avais peur d’entrer vraiment dans la précarité. Je pensais aussi qu’en tant qu’autoentrepreneur (je crée des bijoux), je ne pouvais pas y prétendre.

A cette période, début 2009, c’était le début de la crise sociale, qui a fait suite à la crise financière de 2008. J’avais des revenus instables donc impossible de trouver un logement. Puis tout ça m’a bousculé donc j’ai eu de nouveau des problèmes de santé. Percevoir le RSA m’a mis un coup psychologiquement. Autour de moi, les gens voyaient les personnes percevant le RSA comme des assistés qui ne veulent rien faire. Il y a peut-être des gens comme ça mais je pense que, pour la plupart des gens, c’est une protection nécessaire et pas une envie. Même moi, j’ai pensé que ces personnes ne cherchaient pas forcément toutes les solutions. Et quand je me suis retrouvé dans ce processus, j’ai compris que ce n’était pas vrai.

Aujourd’hui, je pense qu’être au chômage est une entrée dans la précarité car on ne sait pas si l’on va retrouver du travail, ni si notre profil va correspondre au marché de l’emploi. Au Monopoly, on parle de « case prison », dans la société, je pense que nous pouvons parler de « case chômage ». Tout avance vite, les formations d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier.

Demain, je pense que la précarité aura d’autres formes. Avant c’était le clochard, maintenant c’est tout le monde.

 

Aujourd’hui tu vis dans un logement d’insertion à SNL, tu es toujours précaire ?

La précarité c’est comme une maladie, au début tu encaisses le coup et après tu t’entoures de gens et de médecins. Ensuite, tu apprends à vivre avec cette maladie. La précarité c’est pareil. Au début, c’est un choc, ensuite, tu t’entoures. Ma rencontre avec SNL est décisive. On se bat ensemble au travers de toutes nos rencontres. Après m’être adapté à la précarité, j’ai besoin d’avoir des projets, de me projeter. C’est l’opportunité que SNL m’a apporté : une stabilité, une dignité.

Donc j’ai accepté la précarité comme un passage et là je suis en train d’en sortir. Sans SNL et son soutien (aide administrative par exemple), cela n’aurait pas été possible. C’est une belle expérience humaine : des gens précaires qui gardent pied en allant vers la dignité.

Tu sors de la précarité, qu’est-ce qui a favorisé cela à SNL ?

A mon arrivée à SNL, j’ai mis 6 ou 8 mois à réaliser que l’association allait me garder. Il a fallu avoir confiance pour que je me sente bien. Au final je dirais que, à SNL, le logement ne suffit pas pour avancer et sortir de la précarité. Il faut aussi des relations de confiance. D’ailleurs un petit conseil à ce sujet : il ne faut pas trop en demander aux locataires parce que ça fait fuir. Il faut rencontrer les gens, laisser venir passer du temps ensemble. La quantité de rencontres n’a pas d’importance, il faut laisser les rencontres naitre. Sur certaines périodes, il y a plus de rencontres, sur d’autres, moins mais ce n’est pas grave. Je participe à un groupe de travail composé d’autres locataires/anciens locataires/ bénévoles et salariés. Le groupe s’appelle « dynamique des locataires », on questionne la place des locataires dans l’association et la façon de mobiliser. La place que les autres m’ont laissé et les liens de confiance tissés m’ont permis de faire des choses comme organiser un pique-nique pour les autres locataires afin de passer un moment ensemble. Le chemin de sortie de la précarité, pour moi, est là. C’est un espace très important.

 

Tu as eu une proposition de logement par un bailleur, tu vas donc être relogé. Est-ce que cette perspective t’a précarisée ?

Non, mon petit logement m’a permis de prendre mes marques et de me poser les bonnes questions pour me créer un univers : décoration du logement pour me sentir bien par exemple. C’est quelque chose que je vais pouvoir refaire dans un autre logement, je ne suis pas inquiet.